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pointe en avant, avec une violence et une rapidité si foudroyante qu’il entra de trois à quatre pouces dans le corps d’un matelot et le tua net.

À tous points de vue, le moderne « lévrier de l’océan » semble important et impressionnant à quiconque n’est pas familiarise avec les gravures récentes de bateaux. Pour la taille, il pourrait se comparer à l’Arche de Noë, et pourtant cette masse monstrueuse d’acier abat ses cinq cent milles à travers les flots en vingt-quatre heures. Il me souvient du tour de force accompli par un paquebot sur lequel j’ai traversé jadis le Pacifique, et il ne s’agissait alors que de deux cent neuf milles en vingt-quatre heures ; un an plus tard, ou à peu près, j’avais pris passage sur « le Quaker City », un « rafiot » de touristes, et, une seule fois, on nous proclama que nous venions de faire deux cent onze milles de midi à midi, par une vraie mer d’huile ; encore avait-on légèrement forcé le point.

Ce petit vapeur, avec ses soixante-dix passagers et son équipage de quarante hommes, avait l’air d’une ruche d’abeilles ; aujourd’hui, à bord du « Havel », nous passons ces douces journées d’été dans une sorte de solitude, tantôt avec une centaine de passagers éparpillés à de grandes distances, tantôt sans une âme en vue ; et pourtant, dans