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ne pouvais songer à le trouver à cette heure avancée, d’autant plus que j’ignorais son adresse. Vers minuit les rues étaient si désertes que j’eus l’impression de la solitude ; j’entrai alors dans un bureau de tabac assez loin dans l’Avenue, et j’y restai environ un quart d’heure à écouter quelques énergumènes qui parlaient politique.

Tout d’un coup, sous l’effet d’une inspiration subite je me dis : « Je vais sortir d’ici, tourner à gauche et, après avoir fait dix pas, je rencontrerai mon ami 0…

— Ce que j’avais présumé arriva ! Je ne vis pas son visage, caché par son parapluie, et dissimulé par l’obscurité, mais je reconnus sa voix lorsqu’il interrompit son compagnon de promenade, et je l’arrêtai net.

Ma sortie et ma rencontre avec M. O… pourraient paraître chose naturelle mais, avoir pressenti cette rencontre, voilà certes le plus curieux. En y réfléchissant, le fait est singulier. J’étais au fond du bureau de tabac lorsque je formulai ma prophétie : je sortis, et fis cinq pas derrière la porte ; je l’ouvris, la fermai derrière moi ; je descendis trois marches, tournai à gauche, refis quatre ou cinq pas et me ; trouvai nez à nez avec mon individu. Je répète que la chose elle-même n’a rien de surprenant ;