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tout leur revenu, ils dépensent leur capital ; qu’un homme qui a cent mille francs en argent, au lieu de les employer d’une manière profitable ou de les prêter, les consume en détail en folles dépenses : il est visible que d’un côté il y aura plus d’argent employé aux

    point la doctrine du respectable auteur, mais qui peuvent empêcher de se méprendre sur le sens de quelques-unes de ses expressions.

    En général, c’est beaucoup moins par l’épargne sur la dépense des revenus, que par le bon emploi de cette dépense, que l’on parvient à la formation des capitaux. M. Turgot distingue dans la phrase suivante, avec très-grande raison, une manière profitable de dépenser, et une manière de dépenser folle. On pourrait étendre cette division : appeler dépense folle, la dépense extraordinaire des capitaux sans nécessité ; dépense stérile, la dépense de consommation journalière, qui ne diminuerait ni n’accroîtrait la somme des capitaux : dépense conservatrice, celle qui se ferait pour les travaux qui ne produisent point de richesses, mais qui les approprient à des usages durables, moyennant lesquels on peut jouir à la fois, et pendant un assez long espace de temps, du fruit de son travail et des récoltes de plusieurs années ; telles sont les dépenses en construction de maisons, en fabrication de machines, de meubles, etc., etc. ; et enfin dépense productive, celle qui paye les travaux par lesquels on accroît réellement la masse des productions que l’on consomme pour les besoins journaliers, et celle des matières premières dont on peut, au moyen des dépenses conservatrices, faire des richesses de jouissance durable.

    Ceci posé, je crois évident que le meilleur moyen pour augmenter les capitaux est la dépense productive, et après elle, la dépense conservatrice. Or, l’épargne n’est pas productive ; elle n’est même, en général, que très-imparfaitement conservatrice. Elle peut être destructive et nuisible lorsqu’elle se fait sur les dépenses qui auraient été productives, ou seulement conservatrices et profitables *. Il ne faut donc s’arrêter à l’idée d’épargne pour la formation des capitaux, que relativement à celles qui sont très-petites, qui ne peuvent se faire qu’en argent, et qui ressemblent aux simples gouttes d’eau, dont la réunion peut former ensuite les ruisseaux, les lacs, les rivières.

    Mais dès que ces petites sommes, qu’on ne pourrait recueillir autrement, deviennent assez considérables pour pouvoir être dépensées à profit, ou prêtées avec sûreté aux hommes laborieux qui font des entreprises utiles, soit de culture, soit d’industrie, leur épargne stationnaire serait un mal. Il faut les employer ou les placer, sauf à en reformer d’autres également médiocres par la continuation des petites épargnes. Le principe de l’épargne, pris d’une manière trop générale, ou étendu à une épargne qui tiendrait en stagnation de trop fortes sommes, doit être écarté quand on envisage la formation utile des capitaux.

    Dès le premier état de l’homme qui vit de productions spontanées, ce n’est pas