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acheter les premières semences ; comme eux ils doivent entretenir et nourrir des ouvriers de toute espèce, charretiers, moissonneurs, batteurs, domestiques, qui n’ont que leurs bras, n’avancent que leur travail et ne gagnent que leurs salaires : comme eux ils doivent recueillir, outre la rentrée de leurs capitaux, c’est-à-dire de toutes leurs avances, 1o un profit égal au revenu qu’ils pourraient acquérir avec leur capital sans aucun travail ; 2o le salaire et le prix de leur travail, de leurs risques, de leur industrie ; 3o de quoi entretenir leur capital ou le fonds de leurs avances primitives, en remplaçant annuellement le dépérissement des effets employés dans leur entreprise, les bestiaux qui meurent, les outils qui s’usent, etc. Tout cela doit être prélevé sur le prix des productions de la terre ; le surplus sert au cultivateur à payer au propriétaire la permission que celui-ci lui a donnée de se servir de son champ pour y établir son entreprise. C’est le prix du fermage, le revenu du propriétaire, le produit net, car tout ce que la terre produit jusqu’à la concurrence de la rentrée des avances de toute espèce et des profits de celui qui les fait, ne peut être regardé comme un revenu, mais seulement comme rentrée des frais de culture, attendu que si le cultivateur ne les retirait pas, il se garderait bien d’employer ses richesses et sa peine à cultiver le champ d’autrui.

§ LXIV. — La concurrence des capitalistes entrepreneurs de culture établit le prix courant des fermages et la grande culture.

La concurrence des riches entrepreneurs de culture établit le prix courant des fermages à raison de la fertilité de la terre et du prix auquel se vendent ses productions, toujours d’après le calcul que les fermiers font de leurs frais et des profits qu’ils doivent retirer de leurs avances : ils ne peuvent rendre au propriétaire que le surplus. Mais lorsque la concurrence entre eux est fort animée, ils lui rendent tout ce surplus, le propriétaire ne donnant sa terre qu’à celui qui lui offre un loyer plus fort.

§ LXV. — Le défaut de capitalistes entrepreneurs de culture borne l’exploitation des terres à la petite culture.

Lorsqu’au contraire il n’y a point d’hommes riches qui aient de gros capitaux à mettre dans les entreprises d’agriculture ; lorsque, par le bas prix des productions de la terre ou par toute autre cause, les récoltes ne suffisent pas pour assurer aux entrepreneurs, outre la rentrée de leurs fonds, des profits égaux au moins à ceux