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dra en équivalent, ou de la céder à un autre en échange d’autres valeurs avec lesquelles il s’acquittera vis-à-vis de son créancier.

§ XIII. — Suite de l’inégalité. Le cultivateur distingué du propriétaire.

Voilà les fonds de terre dans le commerce, achetés, vendus. La portion du propriétaire dissipateur ou malheureux tourne à l’accroissement de celle du propriétaire plus heureux ou plus sage, et dans cette inégalité de possessions variées à l’infini, il est impossible qu’un grand nombre de propriétaires n’en aient plus qu’ils n’en peuvent cultiver. D’ailleurs il est assez naturel qu’un homme désire de jouir tranquillement de sa richesse, et qu’au lieu d’employer tout son temps à des travaux pénibles, il préfère de donner une partie de son superflu à des gens qui travaillent pour lui.

§ XIV. — Partage des produits entre le cultivateur et le propriétaire. Produit net, ou revenu.

Par cet arrangement, le produit de la terre se divise en deux parts : l’une comprend la subsistance et les profits du laboureur, qui sont la récompense de son travail et la condition sous laquelle il se charge de cultiver le champ du propriétaire ; ce qui reste est cette partie indépendante et disponible que la terre donne en pur don à celui qui la cultive au delà de ses avances et du salaire de ses peines, et c’est la part du propriétaire ou le revenu avec lequel celui-ci peut vivre sans travail et qu’il porte où il veut[1].

§ XV. — Nouvelle division de la société en trois classes : des cultivateurs, des artisans et des propriétaires, ou classe productrice, classe stipendiée, et classe disponible.

Voilà maintenant la société partagée en trois classes : la classe des laboureurs, à laquelle on peut conserver le nom de classe productrice ; la classe des artisans et autres stipendiés des produits de la terre, et la classe des propriétaires, la seule qui, n’étant point

  1. Turgot a dit, proposit. VI, que le salaire n’est rien autre chose que la subsistance. — Il dit, proposit. XI, que le laboureur au service du propriétaire rentre dans la position de ceux qui vivent de salaires ; n’est-il pas surprenant qu’il maintienne à présent que le cultivateur tire de son travail sa subsistance et une part de profits ? Encore un léger effort, et l’auteur aurait vu que cette part de profits du laboureur est la part de l’excédant de production sur la consommation, représentée ici, comme partout, sous le nom de profits du capital accumulé, part aussi légitime pour tous les autres travailleurs placés dans le même cas que pour lui. — Cette part est une partie du véritable produit net, qui n’a pas la signification restreinte que lui ont assignée les inventeurs de la théorie des produits du sol. (Hte D.)