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l’excédant de produits du sol, destiné à la subsistance des ouvriers manufacturiers, ils oublient tout d’un coup leurs propres préceptes, et affirment que le prix plus élevé ou moins élevé de cet excédant de produit est un accroissement ou une diminution de la richesse nationale. Le prix des choses n’est qu’un terme de comparaison entre leur abondance, leur valeur d’utilité et l’abondance de l’argent. Qu’une année féconde double la récolte, les physiocrates, s’ils sont conséquents avec leurs principes, devront dire que le produit net a doublé ou à peu près ; et cependant si la quantité de métaux précieux n’a pas varié, si la population n’a pas augmenté, les fruits du sol seront à bas prix, et la richesse, selon eux, moins considérable. Comment donc concilier ces affirmations contradictoires ?

Toutes ces explications sont peut-être aujourd’hui superflues ; mais n’oublions pas que c’est Turgot qu’il s’agit de commenter, et l’opinion d’un esprit aussi éclairé mérite qu’on l’examine avec soin.

Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître à la terre une faculté de production qui diffère de celle des autres sources de la richesse. J. B. Say n’a pas admis cette différence. Mais Ricardo, James Mill, et après lui M. Rossi l’ont parfaitement appréciée, et c’est ce qui a fait dire que ces économistes se rapprochent de l’école des physiocrates. C’est à ces derniers en effet qu’il faut reporter la gloire d’avoir analysé la puissance productrice du sol ; et s’ils se sont égarés ensuite dans leurs élucubrations, il faut leur rendre cette justice, tous leurs efforts ont été dirigés vers le bien de l’humanité, toutes leurs conclusions tendaient, comme le dit Say, au plus grand bien du plus grand nombre.

Hte DUSSARD.