Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est-il pas constant que c’est d’abord en faveur de l’industriel sollicité, qu’il s’est établi ?

La prééminence du laboureur, si elle est considérée comme un droit, ne peut dériver que d’une source, la conquête. Devant ce mot, la science se tait.

Il importait d’établir tout d’abord que cette suprématie sociale du détenteur du sol n’existe pas. Les propriétaires se sont fait une arme de cette opinion des physiocrates pour réclamer des privilèges. Il convenait de démontrer que ce prétendu droit n’est pas fondé. Turgot et les économistes, cela est vrai, n’en ont point tiré cette conséquence ; ils ont au contraire maintenu que toutes les charges doivent, précisément à cause de cette position sociale, tomber sur le propriétaire ; ils ont même été plus loin, ils ont cherché à prouver qu’il en est toujours ainsi : que les impôts, quels qu’ils soient, tombent en dernière analyse sur les propriétaires. Et, chose étrange, ce raisonnement a servi aux partisans des impôts de consommation, que cependant Turgot voulait détruire.

Avant de quitter ces observations générales, il convient de dire un mot du produit net, cette célèbre formule des physiocrates, que Turgot emploie dans tous ses Mémoires, et qu’il faut expliquer.

La subsistance étant l’élément indispensable de la production, et la terre le réservoir commun des matières consommables, il est facile d’admettre avec Turgot, et nous le répétons ici, que la terre est la source de toute richesse ; et comme la population industrielle s’accroît dans une proportion plus grande que la population agricole, en d’autres termes, comme la division du travail devient de plus en plus grande, c’est une preuve irrécusable que la culture du sol laisse un excédant, après que toutes les dépenses de culture, l’intérêt même des capitaux, etc., sont remboursés. C’est à cet excédant que les économistes du dix-huitième siècle ont donné le nom de produit net. C’est ce produit net qu’ils regardent, non pas comme une épargne destinée à accroître le capital social, mais comme consacré seulement à payer les ouvriers manufacturiers, c’est-à-dire leur subsistance. Voilà le résumé de leurs idées sur le produit net. Comprend-on que ce produit net, cet excédant de nourriture, s’augmenterait, si le prix de la subsistance s’élevait ? Et cependant, après avoir posé de telles bases, claires et faciles à comprendre ; après avoir déclaré que ce qu’ils regardent comme produit net est