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LE CONTEUR BRETON

mais une jolie canne qu’il faisait vibrer dans l’air, tout autour de sa tête, comme pour chasser l’odeur de l’enfer.

Ainsi vêtu, et portant une paire de moustaches retroussées en l’air, comme deux queues de canard, il descendit quelque part, du côté du Passage de Plougastel, dans un sentier qu’il aperçut là. Il jette les yeux sur ce sentier et distingue des traces de pas dans la direction de Brest. — Oh ! oh ! dit Guillou, puisqu’on y est allé, on reviendra, et probablement je rencontrerai quelqu’un sans tarder. Cette fois il n’avait pas menti, car à peine avait il fait deux cents pas, (il marchait posément et à son aise, comme un monsieur qu’il était), qu’il rencontra une femme qui n’était ni vieille, ni jeune. Bonne femme, dit-il, auriez-vous la bonté de me dire d’où vous venez ? — Oui assurément, monsieur : je viens de Brest qui est là-bas dans le fond. Et qu’êtes-vous allée faire là ? — Je suis allée à Brest pour y vendre des œufs pourris et du lait où j’avais mis de l’eau. — Quoi, dit Guillou, et vous ne craignez pas d’être damnée ? — Si je suis damnée pour cela, beaucoup le seront plus que moi, et pour une infinité d’autres choses. J’ai ici du sel et du miel que j’ai acheté à Brest, et tout à-l’heure, en les goûtant, je me suis aperçu que le sel est plein de graviers et le miel rempli de farine. Vous voyez d’après cela, monsieur, que l’on m’a fait ce que j’ai fait aux autres.

— D'après ce que vous dites, ajouta Guillou, on vend à Brest beaucoup de choses. Si les marchandises étaient de bon aloi, les marchands devien-