Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alexandrie ! mère des sciences ! Foyer par excellence de toutes les connaissances humaines ! Alexandrie ! bien aimée des rois !… Mais, à quoi bon me forcer ? Nul homme, s’il a vu l’Alexandrie de nos jours, ne peut rester en selle sur ses grands chevaux, en parlant de cette cité, détestable entre toutes. Comment la décrire ? On peut dire qu’on y trouve toute la saleté orientale sans rien de cette beauté pittoresque qui abonde en Orient ; et que, d’un autre côté, elle a le solennel, insatiable, et éternel amour du gain qui caractérise nos grands entrepôts d’Occident, sans le racheter par la politesse, la science ou la civilisation occidentales.

Alexandrie devient à vue d’œil une ville européenne ; malheureusement ses Européens viennent de la Grèce et du Levant. Auri sacra fames est la devise de la Grèce moderne ; auri fames sacerrima pourrait être celle d’Alexandrie. Malheureux Arabes ! malheureux Turcs ! envahis de tous côtés et accablés par des misérables bien plus vils encore que vous ; quelle destinée vous attend !

« Quel revenu faudrait-il à un Anglais pour vivre ici confortablement ? dis-je un jour à un résident européen à Alexandrie.

« Pour vivre ici confortablement, me répondit mon ami, il faudrait à peu près deux cent cinq mille mille francs de rente ; mais il vaudrait encore mieux se couper le cou. »

Dieu est bon, et avec le temps Alexandrie deviendra moins détestable. Le destin et mille circonstances l’an-