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Voilà justement sir Lionel ! Quelle chance ! Sir Lionel, voici une occasion qui s’offre pour vous d’être poli et de vous rendre très-utile. Donnez donc le bras à madame Shortpointz jusque chez elle. Sa nièce devait venir la chercher, mais il y a eu quelque malentendu, et madame Shortpointz n’aime pas à rentrer à pied toute seule. Voyons, sir Lionel…

Sir Lionel essaya de se dérobera cet ordre, mais ce fut en vain. Il dut céder et partir en donnant le bras à la vieille madame Shortpointz ! Il faut avouer qu’il était un peu dur pour un homme de l’âge et de la position de sir Lionel d’être pris de la sorte dans un pareil moment, et cela, parce que cette petite coquette de Maria Shortpointz avait voulu aller à la promenade pour voir passer à cheval le jeune M. Garded en habit rouge de chasse et en bottes crottées, au lieu de venir chercher sa tante chez mademoiselle Todd. Il aurait volontiers permis à la pauvre vieille de tomber et de se casser la jambe s’il n’avait pensé qu’un pareil accident retarderait encore l’heure de sa délivrance. Madame Shortpointz demeurait de l’autre côté de la ville, et son pas, toujours fort lent, se ralentit encore davantage ce jour-là, car elle était au bras d’un chevalier. Enfin on arriva chez elle, et l’aimable colonel, après avoir repoussé dédaigneusement l’offre de la bonne dame d’entrer pour prendre un biscuit et un verre de vin, retourna place du Paragon sur les ailes de l’amour — dans un cabriolet de place qui lui coûta trente sous.

Mais il arriva trop tard. Mademoiselle Todd était