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pour acquérir cette suprématie morale et financière qui, de par la nature et de par la loi, appartient à l’homme. Il croyait se connaître assez pour pouvoir se dire qu’une femme ne le mènerait pas facilement. Si mademoiselle Todd le refusait — et il fallait bien admettre cette possibilité — il se tournerait incontinent du côté de mademoiselle Baker. Quelque parti qu’il prît, il devait se hâter, car dans un mois mademoiselle Baker ne serait plus là. Quant à l’aller chercher à Hadley, la chose était au-dessus de son courage, quelque grand qu’il fût. En un mois de temps tout devait être fait. Si l’honneur de s’appeler lady Bertram devait échoir à mademoiselle Baker, elle devait consentir, après avoir accepté sir Lionel, à porter pendant quelque temps encore sa ceinture de vestale et à attendre patiemment la mort de l’insupportable vieillard.

La besogne de sir Lionel devant être faite dans l’espace d’un mois, dès qu’il eut mûri ses projets, il résolut sagement de se mettre tout de suite à l’œuvre.

Donc, un certain lundi, vers deux heures de l’après-midi, il se rendit place du Paragon. Il savait qu’à cette heure il trouverait mademoiselle Todd, car elle prenait son goûter à une heure et demie. Pour l’exactitude en ce qui touchait les repas, mademoiselle Todd aurait pu servir d’exemple à toutes les dames de Littlebath.

Nous avons déjà eu occasion de décrire l’extérieur de sir Lionel. Il était fort bien conservé pour son âge. Il se tenait très-droit, marchait d’un pas ferme et relevé, et possédait cette tenue digne et martiale qui,