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pourtant… Ce que je dis là, je ne le dirai qu’une fois, et à vous seule. Mais soyez miséricordieuse, Adela. Vous devez comprendre que, si tout n’était pas fini, je ne parlerais pas ainsi.

« C’est vous, Adela, qui auriez dû être sa fiancée. Oh ! que je l’aurais voulu ! Vous n’êtes point mondaine comme moi, ni obstinée, ni orgueilleuse. Mais vous ne manquez pas de fierté, — de fierté bien placée. Vous auriez pris votre parti de vous soumettre, de vous laisser guider, d’être une humble portion de lui ; et alors, comme il vous aurait aimée !

« Je me suis souvent demandé avec étonnement ce qui l’avait fait songer à moi. Jamais deux personnes n’ont été moins faites l’une pour l’autre que nous. Je savais cela lorsque je l’ai accepté — sottement accepté, — et maintenant j’en suis justement punie. Mais, hélas ! il en est puni aussi, lui ; on n’en saurait douter. Je sais qu’il m’aime ; bien que je sache aussi que pour rien au monde il ne reviendrait à moi maintenant. Je sais aussi que jamais, jamais je ne consentirais à être reprise ainsi ; non, pas même s’il me suppliait comme jamais il me suppliera aucune femme. Je sais trop bien ce que je lui dois, trop bien ce que demande son bonheur pour faire cela.

« Quant à moi, il est probable que tôt ou tard je me marierai. J’ai quelque fortune, et cette sorte de manières que tant d’hommes recherchent chez leur femme pour faire les honneurs de leur maison. Si je me marie, je ne tromperai personne ; je ne ferai pas un mariage d’amour. À vrai dire, depuis ma plus tendre