Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répétions avec lui, qu’il n’était point besoin de crier. Chers amis, nés, comme moi, sous le consulat de lord Liverpool ! tout cela est à jamais fini pour nous — nous ne passerons plus par les blés !

Ces souvenirs, en dépit de toute notre philosophie, donneront toujours à notre pensée une teinte de mélancolie. Nous pouvons encore nous promener avec nos femmes ; c’est chose fort agréable, extrêmement agréable, — cela va sans dire ; mais il y avait quelque chose de plus émouvant et de plus piquant à se promener avec ces mêmes personnes lorsqu’elles portaient d’autres noms. Oui, chère épouse, mère de mes beaux enfants ! toi qui as si bien rempli ton devoir ! cela est vrai, malgré ton air courroucé. Ton époux n’a été que médiocrement bon pour toi, et tu as été plus que bonne pour lui. Nous avons paisiblement gravi la colline ensemble en partageant le fardeau ; et, appuyés l’un sur l’autre, il nous faut aujourd’hui descendre la pente qui mène au vert cimetière. Il est bon et salutaire de cheminer ainsi. Mais, pour savourer la coupe débordante de joie et de vie, pour boire à la source jaillissante des félicités humaines, rendez-moi, rendez-moi… Allons ! allons ! ce sont des bêtises, je le sais ; mais n’est-il pas permis de rêver de temps à autre, pendant le sommeil d’après-midi, sans faire de mal à personne ?

Vixi puellis nuper idoneus et militavi. Ah ! qu’Horace comprenait bien tout cela ! Quand il faut mettre la guitare au clou, que c’est triste ! comme on en aurait volontiers ajourné l’heure si la calvitie, la foi conjugale et l’obésité l’eussent permis ! N’est-il pas vrai, mon