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avait écrites. Mais un fils accepte facilement les avances d’un père, et la manière d’écrire de sir Lionel était si charmante ! sa lettre était si amicale et si affectueuse ! On n’y sentait en rien le ton sermonneur, monotone et ennuyeux qui règne en général dans les lettres banales des pères vulgaires, et George fut ravi de son nouveau correspondant.

« Je ne voudrais pour rien au monde manquer de te voir, lui écrivait sir Lionel, et, quoiqu’on m’ait donné l’ordre de me rendre à Constantinople en toute hâte, — c’est toujours ainsi que vos grands seigneurs du civil nous font aller, nous autres esclaves militaires, — je trouverai bien moyen de leur dérober quinze jours que je passerai avec toi à Jérusalem. Je pense que je ne te reconnaîtrai pas et que tu ne me reconnaîtras pas davantage ; mais si tu rencontres un vieux monsieur à la tenue militaire, très-chauve, aux dents rares et au nez crochu, dis-toi que tu vois ton père. J’arriverai à l’hôtel Z… aussitôt que possible, après le quatorze de ce mois. »

Son oncle en tout cas s’était bien trompé quand il lui avait prédit que son père l’éviterait. Bien loin de là, sir Lionel se dérangeait beaucoup pour se rencontrer avec son fils. Il était très-possible, il était même très-certain que Bertram le négociant avait dû mettre de côté plus d’argent que Bertram le colonel ; mais, aux yeux de George, savoir amasser de l’argent n’était pas un grand mérite, et, s’il était vrai que sir Lionel avait négligé d’envoyer, pour l’usage de son fils, une partie de sa paye, ce n’était pas le moment de lui en vou-