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— Et que voulez-vous que je fasse de soixante-quinze mille francs, mon oncle ?

— Tu ne t’imagines pas qu’on entre dans une maison comme celle-là sans argent, je suppose ?

— Entrer dans la maison, me faire avoué ! s’écria George d’un ton d’horreur qui parut émouvoir un instant l’impassible vieillard. Comment ! il aurait été double-premier, il aurait été l’étudiant le plus marquant de son année, il aurait péroré à ses conférences, il se serait nourri d’Aristote pour en venir là ! pour prendre un pupitre dans l’étude de MM. Dry et Stickatit, avoués ! Non, non, pas pour tous les oncles du monde ! pour aucun oncle il ne ferait cela !

— Ils font cent mille francs par an, net, dit M. Bertram ; et avec le temps tu pourrais devenir associé et avoir la moitié des affaires.

Mais George ne se laissa persuader ni par l’offre d’un prêt, ni par la perspective des bénéfices, si beaux qu’ils pussent être. Il refusa nettement de discuter même la proposition, et son oncle, avec un égal entêtement, s’obstina dès lors à garder le silence au sujet de sa carrière future.

— Pritchett te payera, dit-il, ta pension pendant deux ans encore, — c’est-à-dire, si je vis.

— Je puis m’en passer, mon oncle, répondit George.

— Pritchett te la payera pendant deux ans, reprit son oncle d’un ton péremptoire ; ensuite, elle devra cesser. Et pendant trois mois, je serai charmé de t’avoir ici en visite.

On croira facilement que George Bertram ne dépassa pas la limite des trois mois.