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— Il faut vous arranger du monde tel qu’il est, monsieur Wilkinson.

— Sans doute. Mais quand on a eu de doux rêves, la vérité éveillée est bien triste parfois.

— Vous êtes trop heureux par votre position et par vos affections pour être un objet de pitié. Combien de jeunes ministres de votre âge regardent un sort tel que le vôtre comme au-dessus de leur ambition ! Que d’hommes ont une mère et des sœurs pour lesquelles ils ne peuvent rien faire ! Combien d’autres ont fait d’imprudents mariages qui ne leur ont pas apporté le bonheur ! À bien regarder, vous avez plus raison d’être reconnaissant que de vous plaindre.

Puisqu’il fallait dire quelque chose, elle lui fit, comme on voit, de la morale, — de la morale très-sage.

— Cela est vrai, dit-il, et tout est pour le mieux peut-être. Qui sait ? il est possible que j’eusse été plus malheureux encore si les choses avaient tourné autrement.

— Cela est très-possible. (Oh ! Adela, Adela !)

— Je commence à comprendre qu’un homme ne doit pas se laisser aller à l’espérance. J’ai toujours espéré plus que je n’avais le droit d’obtenir, et par conséquent j’ai toujours été désappointé. Il en a été ainsi à l’école, à Oxford et aujourd’hui encore ; cela prouve qu’il ne faut pas compter sur le bonheur ici-bas. Adieu, Adela, je vois que vous trouvez que j’ai tort d’éprouver des regrets.

— On a toujours tort d’éprouver des regrets inu-