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rompit la première le silence révélateur, et ce fut au prix d’un terrible effort.

— Mais, vous aurez votre mère et vos sœurs auprès de vous, monsieur Wilkinson ; de sorte que, peut-être, cela ne vous fera pas autant…

— Oui, je les aurai, dit-il.

Et puis il y eut un nouveau silence qui menaçait d’être aussi dangereux et aussi difficile à rompre que le premier. Mais Adela, qui comprenait l’erreur qu’elle avait d’abord commise, lutta vaillamment pour n’y point retomber.

— Vous aurez une famille autour de vous, et si, comme vous le dites…

Mais le terrain qu’elle abordait lui parut si brûlant qu’elle n’osa s’y aventurer. Elle ne pouvait s’avancer dans cette direction, elle tourna donc court et ajouta simplement :

— J’espère de tout mon cœur que vous serez toujours heureux.

Enfin Arthur se secoua, se secoua dans le sens le plus littéral du mot, comme si c’eût été le seul moyen de recouvrer l’usage de ses facultés, et, se levant de sa chaise, il se tint debout, le dos appuyé à la muraille. Puis il parla :

— Peut-être était-il inutile, Adela, que je vous entretinsse de ce sujet. Je suis sûr du moins que cela n’était pas nécessaire. Mais vous m’avez toujours montré tant d’amitié, vous avez toujours si bien compris mes sentiments alors que personne ne semblait les comprendre, que je n’ai pu m’empêcher de vous dire ceci