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— Ce serait ingrat à moi de le dire, bien que je n’aime point lord Stapledean. Quoi qu’il en soit, j’ai accepté sa nomination et je ne me plaindrai pas.

— Je ne savais pas qu’il y eût quelque chose de désagréable… dit Adela.

— Il y a ceci, Adela. J’aime mieux vous le dire ; je suis même venu en partie aujourd’hui pour cela ; mais vous comprendrez que c’est là une affaire dont il ne faudra pas parler…

Et en disant ces mots, il tenait son regard obstinément baissé et cherchait à fourrer le bout de sa canne dans le dessin du tapis. Il ne savait comment affronter le doux et limpide regard d’Adela.

— Je suis bien fâchée d’apprendre qu’il y a eu quelque chose de pénible pour vous dans tout ceci.

— Pénible n’est pas le mot. Je vais vous dire ce que c’est. Quand le marquis m’offrit la cure, ce fut à la condition que je ferais à ma mère une rente viagère de huit mille francs. Je ne sais si j’aurais dû accepter à de telles conditions, mais enfin je l’ai fait. On peut donc dire que le bénéfice est plutôt à elle qu’à moi.

— Oh ! Arthur, que c’est bien de votre part ! Malgré les leçons de la tante Pénélope, les anciennes habitudes reprenaient parfois le dessus.

— Je ne sais, reprit Arthur ; j’ai peur que ce ne soit pas bien.

— Comment ? je ne comprends pas. N’est-il pas bien beau de sacrifier votre temps, votre travail, vos espérances — Adela ne parla pas de son cœur — pour l’avantage de votre mère et de vos sœurs ?