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ment ! le dix de pique ! — Ha ! ha ! ha ! c’est délicieux. — Si vous aviez bien voulu, milady, me faire la grâce de me rendre mon invite à atout, nous aurions gagné haut la main, » etc., etc., etc. On ne faisait plus attention, dis-je, à ces reproches, et la pitié du public pour lady Ruth s’était émoussée et lassée.

Mais peu à peu la volubilité de mademoiselle Ruff s’accéléra, et ses paroles devinrent de plus en plus acérées. Le visage de lady Ruth prit une expression étrange. Elle cessa de répondre à sa partenaire et se mit à remuer lentement la tête de façon à effrayer M. Fuzzibell : en voyant quoi, madame Garded fit, à deux reprises, un appel direct à la clémence de mademoiselle Ruff.

Mais mademoiselle Ruff ne savait pas être miséricordieuse. Peut-être tâcha-t-elle de se contenir pendant quelques instants ; mais ce fut pendant quelques instants seulement, et madame Garded et M. Fuzzibell cessèrent bientôt de s’occuper de leurs jeux pour ne plus regarder que lady Ruth. Enfin ils se précipitèrent vers elle tous les deux subitement, le colonel s’élança, comme nous l’avons dit, et tous les joueurs, à toutes les tables, jetèrent leurs cartes et se levèrent effrayés.

Lady Ruth était là, assise, parfaitement immobile, sauf sa vieille tête qui branlait régulièrement d’une façon étrange et effroyable. Il lui restait dans la main dix cartes qu’elle ne lâchait pas. Sa mâchoire inférieure était tombée de façon à donner une longueur démesurée à son visage cadavérique. Elle restait là en