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Elle était accoutumée à de pareils affronts, et même à de pires. — Ta, ta, ta ! fut sa seule observation. — Eh bien ! madame Garded, je crois que nous pourrons nous passer de milady ; qu’en dites-vous ? Madame Garded fut de cet avis, et se plaça auprès de la table en face de mademoiselle Ruff. C’était une veuve grandement considérée à Littlebath, car personne ne pouvait faire la moindre difficulté à l’accepter comme partenaire ! Elle était une joueuse attentive, muette et laborieuse, qui tenait soigneusement ses comptes, et savait fort bien que la balance au bout du mois dépendait surtout de la façon dont elle tirait parti de ses mauvais jeux. C’était une ancienne amie et une ancienne ennemie aussi de mademoiselle Ruff. Elles se disaient parfois des choses très-dures qui eussent semblé incroyables à quelqu’un qui n’aurait pas été accoutumé au whist de Littlebath. Mais, malgré tout, elles ne demandaient pas mieux que de prendre place à la même table.

Vers ces deux dames se dirigea bientôt en souriant M. Fuzzibell. M. Fuzzibell n’était pas un fort joueur et ne prenait pas grand plaisir au whist ; pourtant il jouait toujours. Sa femme l’emmenait dans le monde, et là on l’attrapait et on le dépouillait généralement avant de le laisser rentrer chez lui. Il ne se livrait jamais au plaisir du jeu à la même table que sa femme, qui ne voulait de lui ni comme partenaire ni comme adversaire ; mais il était d’ordinaire requis par mademoiselle Ruff ou madame Garded. Les dames de Littlebath pensent qu’un habit noir fait bien à une ta-