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d’argent pour donner à manger à des gens qui n’avaient pas faim, mais elle nourrissait aussi des affamés ; elle ne se refusait pas les belles robes de soie, mais elle achetait aussi des cotonnades, des robes d’indienne pour de pauvres femmes, et des jupons de laine pour de petites orphelines. Elle s’endormait parfois au sermon et on l’avait vue rester à la table de whist jusqu’à 2 heures du matin le dimanche ; mais un de ses oncles l’ayant choisie pour en faire son héritière, au préjudice des autres membres de sa famille, elle avait partagé son héritage avec frères et sœurs, neveux et nièces. De sorte qu’il y avait de par le monde des cœurs qui la bénissaient et des amis qui l’aimaient d’une tout autre affection que les amis de Littlebath, d’Ems, de Jérusalem ou de Baden-Baden.

Dans son jeune temps elle aussi avait aimé ; on lui avait dit et elle avait cru qu’on l’aimait de retour. Mais elle avait acquis la preuve que celui qu’elle aimait était un mauvais sujet, un homme sans moralité et sans principes, et elle s’était détachée de lui par un violent effort. Puis, en rompant, elle lui avait offert une indemnité en argent que le drôle avait acceptée, et depuis ce temps-là, pour l’amour de lui, ou plutôt pour l’amour de sa propre tendresse d’autrefois, elle avait refusé toutes les offres de mariage, et elle était restée mademoiselle Todd. Et elle avait résolu de rester mademoiselle Todd jusqu’à la fin de ses jours.

Telle qu’elle était, le monde de Littlebath ne demanda pas mieux que de l’accueillir. Ceux qui donnent des soupers à leurs soirées de whist n’ont pas de