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travers ses larmes la tante Mary, qui pensait au temps perdu sans retour. La tante Mary était vivement pénétrée de l’idée que trois ans comptent dans la vie d’une jeune fille, et que les chances de se bien marier se trouvent considérablement diminuées par le seul fait d’avoir rompu avec un homme dont on a été la fiancée pendant ces trois années. Mademoiselle Baker était très-sensible aux petites considérations mondaines ; mais il faut lui rendre cette justice, qu’elle ne s’en préoccupait pas, qu’elle ne s’en était jamais préoccupée, pour son propre compte.

— Oui, trois ans ! et Caroline ne put s’empêcher de sourire en dépit de son chagrin. Nous n’y pouvons rien, ma tante. À tout le reste, non plus, nous ne pouvons rien. Vous dites trois ans, chère tante, mettons-en trente.

Mademoiselle Baker la regarda sans très-bien comprendre.

— Et faut-il absolument qu’il en soit ainsi ? dit-elle.

— S’il le faut ? Oh ! oui, il le faut. Il le faut, maintenant… il le faut… il le faut.

Puis elles gardèrent le silence pendant quelques minutes.

Mademoiselle Baker, tout en désirant vivement savoir la cause de cette soudaine rupture, hésitait un peu à questionner. Elle ne pouvait pourtant pas laisser passer une pareille chose sans discussion.

— Mais enfin, que t’a-t-il dit ? demanda-t-elle. Caroline n’avait jamais raconté à sa tante l’histoire de la