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voir, avec les idées que nous lui connaissons, se plaindre à un étranger des manières froides et peu empressées de l’homme qu’elle aimait. Elle s’était si souvent dit que l’amour ne tiendrait aucune place dans sa vie ! Si George, en ce moment même, eût été à genoux, elle se serait montrée assez sévère et assez froide, Dieu le sait ! et ce ne fut qu’en se sentant outragée comme femme, qu’elle apprit enfin à aimer.

— Je ne crois pas que le cœur de Bertram soit changé, continua Harcourt, mais il est sans doute très-fâché que vous n’ayez pas voulu lui accorder ce qu’il vous demandait l’été dernier.

— Mais comment pouvions-nous nous marier alors ? Pensez donc à ce qu’eût été notre revenu ? Et lui qui n’a pas encore de carrière !

— Je ne vous blâme pas, et je ne prends pas parti pour lui contre vous. Je dis seulement qu’il est très-fâché. Il trouve que vous n’avez pas eu confiance en lui alors, et que vous n’en avez pas encore aujourd’hui.

— Et n’a-t-il pas complètement prouvé que j’avais raison ?

Harcourt ne répondit pas, mais il sourit discrètement.

— Eh bien ! n’est-ce pas vrai ? Que pouvais-je faire ? Qu’aurais-je dû faire ? Dites-le-moi. Je suis peinée de voir que vous me donnez tort.

— Mais je ne vous donne pas tort du tout, bien loin de là. Bertram est mon plus cher ami, et je connais ses grandes qualités, mais je suis forcé d’avouer que votre manque de confiance en lui est parfaitement justifié pour le moment.