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— Mais, Caroline, tu ne veux pas rompre avec lui, n’est-ce pas ?

— Non, si je puis le garder, le garder tel qu’il était autrefois. Mes belles espérances se sont évanouies, mon ambition a disparu pour toujours, mais, du moins, avant de l’épouser, je voudrais savoir qu’il m’aime encore. Je voudrais être sûre qu’il a toujours le désir de passer sa vie avec moi. De l’humeur dont il est maintenant, comment savoir cela, comment être sûre de rien ?

Mademoiselle Baker réfléchit longuement en silence, puis enfin, et comme à regret, elle donna son avis.

— Cela me brise le cœur de te le dire, Caroline, mais je crois vraiment qu’à ta place je renoncerais à ce mariage. Je lui demanderais de me rendre ma parole.

Mademoiselle Waddington n’était pas dans le vrai quand elle déclarait que toutes ses belles espérances étaient évanouies, et qu’elle n’avait plus d’ambition. L’inquiétude, les chagrins, le doute à l’égard de celui qu’elle avait promis d’aimer et qu’elle aimait en effet, l’avaient rendue malade, et elle ne savait ce qu’elle disait. Elle était devenue maigre, pâle et fatiguée, et elle semblait avoir subitement vieilli. Elle resta longtemps silencieuse, la tête appuyée sur la main, sans vouloir répondre à sa tante.

— Oui, en vérité reprit celle-ci, à ta place je le ferais, je vois fort bien que tu n’es pas heureuse.

— Heureuse ! oh ! non.

— Et tu as l’air affreusement malade. Tout cela le fait du mal. Suis mon conseil, Caroline, et écris-lui.