Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La réponse que Bertram adressa, bien entendu, à mademoiselle Baker, contenait quelques lignes également enjouées et aimables, et peut-être plus spirituelles encore, dans lesquelles il s’excusait de ne pas aller à Littlebath pour le moment à cause de ses nombreux engagements à Londres. On était au mois de juin, et il ne pourrait s’échapper sans se rendre coupable d’une foule de parjures. Mais, en allant en Écosse au mois d’août, il s’arrêterait sans faute à Littlebath.

Bertram avait compté que chaque parole enjouée serait un coup de poignard dans le cœur de Caroline ; mais il n’en fut rien, et elle n’en ressentit pas même une piqûre d’épingle. Si Bertram avait montré un sombre chagrin, elle en aurait été blessée. Elle se serait sentie blessée aussi s’il l’eût prise au mot, et s’il eût mis fin à leur engagement, car elle commençait à découvrir qu’elle l’aimait plus qu’elle ne l’avait d’abord cru possible. Sous l’empire de la prudence, elle avait pensé et elle avait écrit qu’elle pourrait, au besoin, rompre avec lui, mais quand vint le moment où elle put s’attendre à recevoir de lui une lettre pour lui dire qu’il acceptait cette offre de rupture, elle sentit battre son cœur à chaque coup de sonnette, et elle dut s’avouer qu’elle avait peur. La réponse de Bertram, si gaie, si rieuse et si spirituelle, la satisfit pleinement. Elle l’aimait, mais elle pouvait attendre ; elle l’aimait, mais elle ne désirait pas le voir triste parce qu’il était loin d’elle. Son amour était plein de raison et de mesure, mais c’était de l’amour. Elle venait d’en acquérir la preuve, non sans un certain étonnement.