Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En définitive, le délai d’une semaine écoulé, Caroline écrivit à George pour lui dire que, malgré tout ce qu’il lui en coûtait de le chagriner, elle se voyait obligée de s’en tenir à sa première résolution. Elle s’exprima avec force et employa une logique plus serrée, peut-être, que celle de son pauvre amoureux.

« J’espère, disait-elle, qu’il viendra un temps où vous comprendrez que j’avais raison. Mais il est une chose dont je suis parfaitement certaine, c’est que, si aujourd’hui je consentais à faire ce que vous me demandez, vous ne tarderiez pas à reconnaître que j’ai eu tort ; et si je découvrais cette pensée chez vous, j’en mourrais. Je sens que ni ma nature ni mon éducation ne me rendent propre à être la femme d’un homme pauvre. Je dis ceci en toute humilité ; mais s’il vous plaît d’y voir de l’orgueil, je n’ai aucun moyen de vous convaincre du contraire. Vous ne sauriez pas davantage être le mari d’une femme pauvre. Aujourd’hui, l’amour et l’enthousiasme vous font parler légèrement de la gêne ; mais l’avez-vous jamais connue ? Depuis votre sortie de l’école, n’avez-vous pas eu tout ce que l’argent peut donner ? Avez-vous jamais eu un désir raisonnable que vous n’ayez pu satisfaire ? Jamais, à ce que je crois. Il en est de même pour moi. Et de quel droit supposerions-nous que nous pourrons faire l’un pour l’autre ce que nous n’avons jamais fait pour nous-mêmes ?

« Vous parlez du chagrin de l’attente. Ne serait-ce pas parce que jusqu’ici vous n’avez connu aucun autre chagrin ? Tout homme qui veut réussir ne doit-il pas