Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle proposait d’attendre, pour se marier, les cinquante mille francs de M. Bertram. On témoignerait ainsi de la déférence pour lui, ce qui, dans la pensée de mademoiselle Baker, ne pourrait manquer d’amener les meilleurs résultats du monde. — « Après tout, disait-elle à sa nièce, vous n’avez que lui, vous savez… »

Les discussions provoquées par ces différences d’opinion n’avaient jamais lieu entre George et Caroline. Par délicatesse, il n’aimait pas à parler d’argent ; elle n’en disait rien par prudence. La pauvre mademoiselle Baker leur servait d’intermédiaire. George, avec toute l’ardeur d’un amoureux, demandait que le mariage se fît au plus tôt ; Caroline répondait que la chose lui paraissait impossible, et chacun renvoyait l’autre à mademoiselle Baker.

Les choses continuèrent ainsi jusque vers le milieu du mois de mai. Parfois George se fâchait et écrivait des lettres quelque peu féroces, parfois aussi Caroline se montrait altière, et, dans ces cas-là, elle savait dire sa pensée dans un style qui ne manquait ni de clarté ni de vigueur. Mais ils étaient trop loin l’un de l’autre, et ils ne se voyaient pas assez fréquemment pour se brouiller.

Enfin par une belle matinée du mois de mai, George et son ami Harcourt prirent le train de Littlebath.

— Je me demande ce que vous penserez d’elle, dit George ; vous me direz la vérité, n’est-ce pas ?

— Sans doute, dit Harcourt qui avait pris son parti d’admirer à tout événement.