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mieux que cela. Il lui fallait tout aussi bien le respect et l’estime du monde que ses plaisirs.

Pourtant il ne fallut pas bien longtemps pour que Bertram se sentît froissé par la morale de Harcourt, lequel, de son côté, goûtait fort peu les doctrines transcendantales de son ami. Ils admiraient l’un et l’autre le même paysage, mais ils ne le voyaient pas à travers la même lorgnette.

— Ainsi, tout compte fait, le cher père vous a plu ? demanda Harcourt à George, un jour qu’ils faisaient une course dans les montagnes.

— Certainement.

— On est naturellement disposé en faveur de son père, dit Harcourt, — c’est-à-dire quand on ne l’a pas vu depuis une vingtaine d’années ; une connaissance plus longue et plus familière ferait peut-être naître un préjugé contraire.

— On ne saurait nier que mon père ne soit un homme charmant ; il me semble qu’il doit plaire à tout le monde.

— À merveille. Je vois cela d’ici, comme si vous aviez écrit un volume sur lui. Vous n’entendez rien, mon cher Bertram, au grand art qui consiste à se servir de la parole pour dissimuler sa pensée.

— Mais pourquoi chercherais-je à vous le dissimuler ?

— Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire au sujet de votre père. Dans le monde, sir Lionel n’est pas un père rabat-joie, même pour son fils ; il ne se targue pas d’une mystérieuse et incompréhensible dignité ; il n’a rien du vieux colonel ; il en prend à