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dernière fois. Or, il faut avoir le cœur bien froid pour ne voir dans la Palestine qu’un pays comme un autre. Ne soyons donc pas surpris si Bertram se sentit un peu triste en redescendant le versant de la montagne d’Hermon.

À Constantinople, sir Lionel et George se retrouvèrent, et notre héros passa un mois fort agréablement avec son père. On était au printemps, les grandes chaleurs ne se faisaient pas encore sentir, et George fut enchanté, sinon de la ville du sultan, du moins des environs. Son père se montra à lui sous un nouveau jour : il y eut plus d’intimité entre eux qu’à Jérusalem ; ils ne vivaient pas dans une société de femmes, et peu à peu sir Lionel abdiqua les faibles prérogatives d’autorité paternelle et le peu de retenue qu’il avait exercés jusque-là. Il parut désirer de vivre avec son fils sur le pied d’une parfaite égalité, il se mit à lui parler comme les jeunes gens se parlent entre eux, enfin, sembla perdre de vue la différence de leurs âges et provoquer volontiers l’absence du respect filial.

Par ses habitudes de vie et par son entrain, sir Lionel, à vrai dire, était fort jeune pour son âge. Il ne faisait jamais valoir ses années pour refuser un plaisir ; il n’en parlait même jamais que lorsqu’il s’agissait de se dérober à quelque corvée. Il est des sujets sur lesquelles jeunes gens s’entretiennent volontiers entre eux, mais dont ils hésitent à parler devant leurs supérieurs en âge : sir Lionel fit de son mieux pour combattre tout sentiment de cette nature chez son fils. Du vin, des femmes, du jeu, des chevaux, de l’argent,