Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Pas naturel, grand Dieu ! Mais moi je vous aime de toute la force de mon âme. Est-ce que ce n’est pas naturel cela ?

Il appartient aux hommes de prendre l’initiative en pareil cas, répondit Caroline en souriant.

— Je ne sais ce qu’il appartient aux hommes et ce qu’il appartient aux femmes de faire. Par là vous entendez sans doute ce que l’usage et les convenances permettent ; et convenance signifie mensonge. Je ne vous connais que depuis une semaine ou deux, et je vous aime tendrement. Vous me connaissez depuis le même temps, et vous êtes aussi capable d’aimer que moi. Il n’y a donc rien d’impossible à ce que vous m’aimiez, — quoique pourtant il me paraisse fort improbable que cela vous arrive jamais.

— C’est bon. Je ne vous contredirai en rien, si ce n’est pourtant à l’endroit de votre orgueilleuse et rancunière petite parenthèse. Mais mettons de côté toutes les questions de probabilité, et voyons ce que je dois faire si je ne vous aime pas. Que conseilleriez-vous en pareil cas à votre sœur ? Serait-il sage de nous trouver constamment ensemble, comme cela ne peut manquer d’arriver en voyage ?

— Alors, dois-je comprendre que décidément vous ne pourrez jamais m’aimer ?

— Je n’ai jamais dit cela. Mais vous me pressez trop, monsieur Bertram, ce me semble.

— Je vous presse trop, dites-vous ? Par le ciel ! Il me semble à moi que je ne saurais trop vous presser en pareil cas. Je vous presse de me dire la vérité, —