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C’était la veille du départ de Bertram : le moment était donc venu de parler. Caroline guetta l’occasion, et, le déjeuner fini, — les repas se prenaient en commun, — elle pria Bertram de passer dans le salon de sa tante. Elle était très-calme, car elle savait au juste ce qu’elle comptait faire, et elle put parler sans trouble et sans hésitation. On n’aurait pas pu en dire autant de son compagnon.

— Vous savez que nous ne continuons pas le voyage ensemble ?

— Oui, mademoiselle ; mon père me l’a dit hier.

— Et vous comprenez cette résolution, je l’espère ?

— Pas très-bien Pour parler franchement, je ne la comprends pas du tout, J’ai peut-être été bien présomptueux l’autre jour en vous parlant comme je l’ai fait ; mais je ne vois pas que cela doive déranger tous les projets de votre tante. Vous craignez sans doute que je ne vous importune ; mais auriez pu vous fier à ma discrétion. — Il est encore temps de vous y fier.

— Voyons, monsieur Bertram, il me semble que vous vous écartez bien de cette franchise que vous me recommandiez tant l’autre jour au mont des Oliviers, et que vous vous vantiez de posséder vous-même à un si haut degré. Vous savez à merveille que personne ne vous a trouvé présomptueux. Je n’ai aucune raison de me plaindre de vous, et j’ai tout lieu, en dehors même de l’honneur que vous m’avez fait, — car venant de vous cette offre est un honneur, — de vous être très-reconnaissante. Mais je ne puis pas dire que je vous aime. Il ne serait pas naturel que je vous aimasse.