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core rien produit, dont la fortune était médiocre, et qu’elle ne pouvait épouser qu’après une longue attente ? Mais ce prétendant était plein de talent, il promettait un brillant avenir… Quand Bertram avait parlé, ses paroles étaient parties du cœur malgré lui ; mais Caroline put retourner toutes ces choses dans son esprit avant de lui répondre.

On l’accusera, je le sais, d’être froide, intéressée, dépourvue de sensibilité. Mais, d’une autre part, lorsqu’une jeune, fille laisse de côté toute prudence et se permet d’aimer un pauvre garçon qui n’a rien, de quoi l’accuse-t-on ? Il me semble qu’il est quelquefois bien difficile aux jeunes filles d’agir convenablement. Il ne faut pas qu’elles soient intéressées ; il ne faut pas qu’elles épousent des gueux ; il ne faut pas qu’elles restent vieilles filles ; il ne faut pas qu’elles s’engagent de bonne heure dans un amour sans espoir ; il ne faut pas, non plus, qu’elles soient résolues à n’épouser qu’un bon revenu et une bonne maison. Il devrait vraiment y avoir quelque manuel d’amour qui pût indiquer aux jeunes filles quand elles peuvent aimer sans s’exposer au blâme. Mais notre héroïne n’était peut-être point de celles qui ont besoin de manuel. « Maintenant, j’accepterai la réponse que vous voudrez bien me faire, » avait dit Bertram, et puis il avait attendu.

— Monsieur Bertram, répondit enfin Caroline, il me semble que vous avez parlé sans réflexion. Convenons d’oublier tout ce qui vient de se passer. Vous vous êtes laissé aller à un premier mouvement au lieu d’écouter votre raison.