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commun des femmes. Je ne suis un double-premier en rien, moi.

— On peut être double-premier sans que cela prouve rien en faveur de la loyauté du cœur ou de la vaillance de l’esprit. Plus d’un homme qui n’était bon qu’à ramper toute sa vie a été double-premier.

— Je ne comprends pas bien ce que vous entendez par ramper, monsieur Bertram. Je n’aime pas plus que vous ceux qui rampent. J’aime les hommes qui marchent la tête levée, et qui, ayant une fois conquis une place, ne la perdent plus. Dans tous les temps il y a des hommes qui obtiennent la renommée, la fortune et le pouvoir : ceux-là ne rampent pas. À votre place, je voudrais être du nombre.

— Alors à ma place vous n’entreriez pas dans les ordres ?

— Pas plus que je ne me ferais cordonnier.

— Oh ! mademoiselle !

— Oh ! mademoiselle… eh bien ! après ? Voyez un peu les ministres que vous connaissez, ne sont-ils jamais plats ? Le vieux M. Wilkinson, par exemple : c’est un excellent homme, j’en suis sûre ; mais trouvez-vous qu’il brille par la noblesse d’âme, la franchise ou le courage ? Remarquez-vous que ces hommes aient en général des vues très-élevées ou des principes très-libéraux ? Je ne voulais pas les assimiler à des cordonniers, mais j’ai voulu dire qu’à votre place il ne me viendrait pas plus à l’idée de faire le métier des uns que celui des autres.

— À ma place, quelle profession choisiriez-vous ?