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de tous les autres pique-niques du monde. Les dames ne peuvent s’y rendre en voiture, vu qu’il n’y a point de voitures à Jérusalem ; on ne peut y envoyer les comestibles en charrettes, puisqu’il n’y a point de charrettes. On expédia donc les vivres dans des paniers placés sur un chameau, par la route la plus directe, tandis que mademoiselle Todd et ses amis, montés, les uns sur des chevaux, les autres sur des ânes, en prirent une autre plus longue mais plus intéressante.

Il est bon de dire que mademoiselle Todd se sentait un peu confuse de l’extension qu’avait prise son expédition. Son premier projet avait été simplement de faire avec quelques amis une promenade dans les vallées des environs de Jérusalem, et d’envoyer un panier de sandwichs pour les attendre à un point quelconque de la route ; et voilà qu’elle se trouvait à la tête d’un cortège de onze personnes (sans compter les conducteurs d’ânes), avec accompagnement de volailles rôties, de jambons, d’œufs durs et de vin de Champagne. Mademoiselle Todd en était assez honteuse. En Angleterre, l’idée ne viendrait à personne, je crois, de faire un pique-nique au cimetière de Highgate ou à celui de Kensal-Green, et de s’abriter à l’ombre des tombeaux de nos grands hommes défunts pour déboucher des bouteilles. Mais mademoiselle Todd était, comme nous l’ayons dit, d’humeur joyeuse : quand ce petit scrupule lui avait été d’abord soumis par M. Mac Gabbery, elle l’avait écarté avec dédain, et avait même agrandi son cercle d’invités, poussée par un désir d’innocente bravade. Le hasard l’avait aidée, et, en fin de