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vilège de n’être jamais en désordre. Aucune mèche ébouriffée et inégale ne s’échappait quand elle ôtait son chapeau, et, en pareille occasion, les beaux bandeaux n’avaient même jamais cet air aplati et écrasé qui semble réclamer de nouveaux soins. Le front était le front de Junon, — large, droit et blanc, un de ces fronts sur lesquels un ange souhaiterait de poser ses lèvres, si tant est que les anges aient des lèvres, et qu’ils descendent parfois de leur sphère étoilée, comme on l’a dit, pour aimer les filles des hommes.

Et pour peu que cet ange eût dans sa nature une ombre de passion humaine, il ne se contenterait point du front. Les lèvres avaient toute l’opulence de la jeunesse, les courbes amples et séduisantes et la couleur vermeille de la beauté anglo-saxonne. Caroline Waddington n’était point une pâle et impassible déesse ; ses grâces et ses perfections étaient toutes humaines, et par cela même, plus dangereuses à notre pauvre humanité. Le front, comme nous l’avons dit, était parfait ; nous n’oserions en dire autant de la bouche : on y trouvait parfois un je ne sais quoi de dur, — non dans les lignes elles-mêmes, mais dans l’expression, — une absence de tendresse, peut-être un manque de confiance en autrui mêlé à un peu trop de confiance en soi pour un caractère de femme. Ajoutons cependant que les dents que laissait apercevoir cette bouche en s’ouvrant, étaient d’une beauté incomparable. Le nez n’était pas un nez grec. S’il l’eût été, il eût peut-être gagné en beauté, mais à coup sûr il aurait perdu quelque chose du côté de l’expression. On n’au-