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pour que vous puissiez songer à ce que vous venez de faire.

— J’y avais pensé d’avance, vous savez, » répondit-il.

Alors il se pencha et l’embrassa pour la première fois. Son baiser était aussi froid que s’ils avaient été mari et femme depuis des années. Mais cela lui suffit et elle monta dans sa chambre heureuse comme une reine.

Clara avait deux heures devant elle pour réfléchir et jouir de son triomphe. Elle se sentait très-heureuse ; sa confiance dans son futur mari était entière. Elle lui reconnaissait toutes les qualités qui peuvent assurer le bonheur d’une femme. Sa position dans le monde la flattait. Elle aimait à penser qu’elle épousait un homme influent et peut-être aussi un homme à la mode. Il n’était pas beau, mais il était distingué, bien élevé, instruit, prudent, régulier dans toutes ses habitudes, destiné à s’élever dans le monde, et elle l’aimait. Peut-être le lecteur trouve-t-il qu’elle n’aurait pas dû aimer un tel homme. Je n’ai pas à répondre à cette accusation, mais je demanderai si de tels hommes ne sont pas toujours aimés.

On parle souvent de la légèreté avec laquelle les femmes livrent leur cœur. Cette accusation est injuste. Je suis plus étonné de la prudence des jeunes filles que de leur insouciance. Une femme de trente