Page:Trollope - La Pupille.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sévèrement ; mais si vous voulez bien me permettre de me rasseoir une minute, je vais vous expliquer la bizarrerie de ma conduite. »

Voyant que le comte se disposait à s’asseoir, Sophie l’imita ainsi que Marguerite, et fît signe à M. Jenkins qu’elle était disposée à l’écouter.

« La vérité est, miss Martin, je veux dire miss Martin Thorpe, reprit M. Jenkins, qu’il y a bien des années j’étais très-lié avec plusieurs familles de ce pays. Lord Broughton, par exemple, est l’un de mes plus vieux amis, et, juste à l’époque où je le voyais le plus intimement, je venais ici très-souvent : car votre oncle était aussi un des amis du château, et, quoiqu’il se soit brouillé depuis avec bien des gens, je… Mais… pendant ce temps j’ai beaucoup connu votre digne tante, mistress Thorpe… elle était si bonne et si… affectueuse pour moi, que la maison était… pour ainsi dire… Enfin, miss Martin… Thorpe, je vous serais infiniment obligé si vous… vouliez me permettre de visiter l’ancienne maison de mon… de M. Thorpe. »

Puis, se tournant vers lord Broughton, il reprit avec feu :

« Sur mon âme, pour revoir en ce moment ces lieux qui m’ont été si chers, je donnerais, je donnerais je crois… ma main droite. »

Cette demande, tout le monde l’aurait très-facilement accordée ; et pourtant Sophie, sans précisément la refuser, interrogeait du regard son amie avant de répondre, et tordait son mouchoir dans ses doigts avec embarras.

« Monsieur… vraiment… je ne… »

Lord Broughton, comprenant qu’elle allait refuser, et craignant ce qui pourrait en résulter de la part de son ami, se leva vivement en disant :

« Venez, venez, Jenkins ; vous êtes fou, vous n’avez