Soit que l’Aſtre du iour blanchiſſe l’Orient,
Soit qu’il ſeme le ſoir du ſafran dans la nuë,
Inceſſamment les pleurs aux ſoupirs mariant,
Ie me plains du coup qui me tuë :
Tout ceſſe en l’Vniuers, mais mon mal continuë,
Et la rigueur de mon deſtin
Ne ſe modere point le ſoir ny le matin.
La nuit humide & froide incitant au repos,
A beau ſe preſenter d’Eſtoilles couronnée ;
Pour donner quelque tréve aux funeſtes propos
Que ie tiens toute la iournée.
Tous les autres humains changent de deſtinée
Portans les marques du trespas,
Mais moy ie ſuis plus mort & ſi ie ne dors pas.
De l’esprit & du corps errant de tous coſtez,
Ie ne fay que me plaindre en cette inquietude ;
Car touſiours mon penſer me dépeint vos Beautez
Auecque vostre ingratitude.
Dieux ! faut-il qu’vn Obiet ſoit ſi doux & ſi rude
Ne m’engageant à l’adorer
Que pour prendre plaiſir à me deſeſperer ?
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