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Vne chaſte pudeur dont l’eſclat est ſi beau
Semeroit voſtre teint d’vne viue peinture,
Voyant tant de Beautez prés de voſtre bateau
      Le corps nud iuſqu’à la ceinture,
Et ie vous ferois rire apres cette auanture
      Voyant de quelle agilité
Ie ferois le Forçat en ma Captiuité.

Mais ie n’auray iamais tant de contentement ;
Mon ame à qui les maux ſont ſi fort ordinaires,
Parmy ſes deſplaiſirs, ſe flate vainement
      De ces douceurs imaginaires :
Les Astres tous puiſſants & qui me ſont contraires,
      Ne voudront pas ſe relaſcher
À m’accorder vn bien ſi ſenſible & ſi cher.

Que me ſert-il d’auoir tant de fruits aſſemblez,
Tant de chévres, de beufs & de troupeaux à laine,
Et d’eſtre poſſeſſeur des raiſins & des bleds,
      De ces monts & de cette plaine ?
Si vostre cœur s’obstine auecque tant de haine
      À ne m’accorder iamais rien,
Puis-ie proteſter que ie n’ay point de bien ?