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PIERRE QUI ROULE

LES AVATARS DE QUÉQUIENNE

Même lorsqu’il est fatigant, le travail en plein air ne fait jamais de tort à la santé d’un homme vigoureux. À l’automne, Quéquienne, frais et dispos, retourna à Woonsocket où il fut chargé de recueillir les commandes et de faire la livraison chez les clients d’une épicerie bien achalandée. Il y passa deux ans, occupé à conduire la voiture durant le jour et à aider aux autres commis durant la soirée. Il se maria en octobre 1868, fit un stage dans un magasin de modes et finit par entrer comme premier commis chez un marchand de vêtements confectionnés qui était en même temps avocat et député à la Législature du Rhode Island.

À plusieurs reprises, cet excellent patron augmenta le salaire de Quéquienne, sans la moindre sollicitation de la part de ce dernier. Il lui prêtait des livres et lui aidait à faire quelques études de droit commercial. Si Quéquienne eut eu l’intention de se fixer définitivement aux États-Unis, il n’aurait pu désirer un emploi plus conforme à ses goûts et aux aptitudes qu’il possédait alors. Mais, pour plusieurs raisons, il se proposait de retourner au pays natal.

D’abord, le fait qu’il avait, sans autorisation, écourté la période de service qu’il s’était engagé à faire dans l’armée régulière des États-Unis l’exposait à être arrêté comme déserteur. Outre cela, les illusions qu’il conservait encore sur la situation de la race française au Canada le portaient à croire qu’il était de son devoir d’aller prêter main-forte à ses compatriotes restés au pays. En conséquence, il se hâtait de faire des économies afin de mettre, le plus tôt possible, ce patriotique projet à exécution.