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PIERRE QUI ROULE

« Si je n’avais pas eu d’autres ressources que les stériles sympathies de vos amis, il est fort probable que j’aurais fait maigre chère pendant les dix-huit mois en question.

« Je n’avais pas besoin de vous ni de vos chefs pour entrer à la rédaction de n’importe quel journal respectable. À l’époque où vous croyez que j’étais réduit à la misère la plus noire, j’ai refusé par principe d’entrer à la rédaction de deux journaux qui m’auraient payé bien mieux que la Justice. Et si vous consultez bien vos souvenirs ou vos livres, vous vous rappellerez que vous me devez encore un reliquat de $4 sur une série de biographies que j’ai écrites pour l’Électeur pendant la session provinciale qui a précédé mon entrée à la Justice. Cela avait pour titre « Nos Législateurs ». Je ne vous ai jamais réclamé cette somme. Je considérais que je pouvais m’en passer aussi bien que vous.

« En prétendant que ce sont vos chefs qui m’ont fait entrer à la rédaction de la Justice, vous leur prêtez un rôle aussi peu digne que compromettant. Depuis quand les gouvernements sont-ils devenus courtiers d’emplois de rédacteurs aux journaux indépendants ? Vous affirmez que vous avez payé la moitié de mon salaire. Permettez-moi d’en douter malgré votre parole, et pour l’honneur du journal en question. Si la rédaction de la Justice dépendait de vous et de vos chefs, l’indépendance de ce journal serait une ignoble farce, et vous m’auriez fait venir à Québec dans l’espoir, ou de me tromper sur les tendances véritables du journal, ou de profiter de la misère dans laquelle vous me supposiez plongé pour me forcer à écrire selon vos vues. Quelles qu’aient pu être vos intentions personnelles à mon égard, je refuse de vous croire lorsque vous prétendez que vous avez eu des complices. Il est bien vrai qu’en dehors du salaire de $1,200, je n’ai rien touché des recettes légitimes qui m’avaient été promises et qui