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PIERRE QUI ROULE

presque toute la gamme des nuances politiques. J’ai été tout ce que vous voudrez excepté un doctrinaire et un partisan outré. J’ai, comme bien d’autres, cru pendant un certain temps à la parfaite sincérité des meneurs de parti. Je ne parle pas des chefs qui sont, beaucoup plus souvent qu’on ne le croit, les instruments, parfois inconscients, mais toujours plus ou moins dangereux, des conspirateurs rapaces constituant ce qu’on est convenu d’appeler le pouvoir derrière le trône. J’ai maintenant sur le compte des politiciens de tous les pays des opinions qui ne leur sont pas très favorables et qui m’ont coûté bien des illusions.

« Aussi loin que je puis remonter dans mes souvenirs, mes tendances ont été libérales. Fils d’un patriote qui a combattu à Saint-Denis, j’ai bien souvent pris plaisir à lui faire raconter non seulement les incidents de cette mémorable journée, mais encore ce qu’il savait des causes de la révolte et des résultats pratiques de cette sublime échauffourée.

« À l’âge de dix ans, j’en savais là-dessus plus long que la plupart de mes camarades de classe. Combien de fois, étant enfant, j’ai rêvé l’émancipation de ma patrie, et souhaité ardemment d’avoir l’occasion de combattre pour la liberté de mes concitoyens !

« Dans de telles dispositions, il était assez naturel que le parti libéral eût d’abord mes sympathies. Le premier journal que j’eus l’occasion de lire assidument était le défunt Pays. Certes, il contenait plus d’un article qui réveillait dans ma pensée un écho sympathique. Cependant, il en contenait d’autres qui avaient le don de froisser cruellement mon orgueil national.

« J’avais foi dans l’avenir du Canada, foi surtout dans l’avenir de la nationalité franco-canadienne, et je ne pouvais pas souffrir que, pour taquiner des adversaires politiques, on prît plaisir à persifler ce que je considérais comme digne de nous inspirer une fierté