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PIERRE QUI ROULE

difficilement la sténographie, je parlais anglais beaucoup mieux qu’eux.

« Depuis 1872, je suis porteur d’un diplôme m’autorisant à enseigner cette langue dans la partie anglaise de la province de Québec, et je tiens ce diplôme d’un examinateur anglais, le révérend M. Tanner. Je l’ai même obtenu sans avoir fait de demande officielle. Le jour de l’examen des aspirants au professorat, je m’étais rendu à Lennoxville pour y être interrogé sur le français et les autres matières. J’avais précédemment fait par écrit la demande d’un brevet pour enseigner ma langue maternelle.

« Le révérend M. Dufresne, curé de Sherbrooke, était le seul examinateur français et j’étais le seul aspirant de langue française. Par contre, il y avait là une quinzaine d’aspirantes qui se présentaient pour avoir des diplômes leur permettant d’enseigner en langue anglaise. Mon examen terminé, je dis à M. Dufresne : — Je n’ai pas demandé de diplôme anglais ; croyez-vous que je pourrais en obtenir un en traduisant en bon anglais la dictée française que je viens d’analyser ? — Essayez toujours, me répondit-il, et vous verrez.

« J’avais remarqué qu’elles n’étaient pas fortes en leur propre langue, mes concitoyennes d’origine britannique. Elles étaient même d’une faiblesse désespérante en fait d’épellation, la plupart d’entre elles s’obstinaient à épeler le mot architecture avec un k au lieu d’un ch dur. M. Tanner, qui savait le français et pouvait juger de l’exactitude de ma traduction en même temps que de la correction de mes phrases anglaises, non seulement m’accorda mon diplôme d’anglais, mais profita de l’occasion pour tancer assez vertement ses compatriotes incapables d’épeler leur langue d’une façon satisfaisante.

« Cet incident me revenait à la mémoire en entendant le juge et l’avocat de Joliette se dire, en un anglais