se faisait sentir. Les conservateurs, beaucoup plus habiles et beaucoup plus expérimentés dans l’art de conduire la foule, saisirent la balle au bond et, tout naturellement, ils s’arrangèrent de façon à se créer, parmi les classes privilégiées, un groupe puissant d’amis et de bailleurs de fonds électoraux.
« Depuis l’automne de 1878, il se maintiennent au pouvoir, grâce à un genre de protection qui fait très bien l’affaire des gouvernants, mais qui chasse les gouvernés aux États-Unis. Je ne pouvais prévoir cela en 1877-78. J’étais en faveur d’une réforme du tarif. Je voyais à Ottawa des gouvernants qui ne voulaient rien faire et une opposition qui symbolisait pour moi l’esprit d’initiative. Je n’hésitai pas à donner mon appui à cette dernière.
« D’ailleurs, j’ai pu constater depuis, que je suis ordinairement plus porté à sympathiser avec l’opposition qu’avec le parti au pouvoir. Mais ce qui, vers cette époque, contribua le plus à me rapprocher du parti conservateur, ce fut le coup d’État de Letellier. J’ai toujours détesté l’arbitraire. J’abhorre l’absolutisme et je hais tous les violateurs des libertés populaires.
« J’ai, depuis, fait cause commune avec les libéraux en bien des circonstances. J’en suis arrivé à me considérer comme un libéral dans le vrai sens du mot, et je vois dans ma condamnation du coup d’État du 8 mars 1878 une nouvelle preuve que j’étais alors libéral sans le savoir. Dans cette crise politique, qui est loin de faire honneur à nos politiciens, les libéraux du Canada ont joué un rôle ingrat que n’auraient pas désavoué les tories les plus réactionnaires.
« De fait, les bleus ont trouvé cela si beau que, treize ans après, (chiffre fatidique) ils ont imité servilement ceux qu’ils vouaient alors aux gémonies. Et ce qu’il y a de plus humiliant pour nous, Franco-Canadiens, c’est que cette dernière saleté a été commise par l’hom-