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PIERRE QUI ROULE

Ces constatations, furent faites après coup. Pour le moment Quéquienne eut tout juste le temps de sauter hors du traîneau, et de dételer la jument, ce qu’il put faire grâce au fait que les pieds de derrière de celle-ci avaient touché le fond à environ dix pieds de profondeur, et que l’intelligente bête, revenue à la surface, se maintenait debout en s’appuyant la mâchoire sur le rebord de la glace solide. Quéquienne coupa les parties du harnais qu’il ne pouvait défaire et, après avoir vainement crié pour avoir du secours, le vent chassant sa voix dans la direction opposée à celle des maisons, il prit le parti d’aller demander de l’aide à environ un mille et demi de distance.

Il revint avec trois hommes et une paire de chevaux attelés à un bob-sleigh. Depuis plus d’une heure la pauvre bête, grelottait dans l’eau glacée, la mâchoire appuyée sur la glace, les naseaux constamment tournés du côté d’où l’on pouvait venir à son secours, se demandant peut-être si son maître ne l’avait pas abandonnée. Pour lui aider à sortir de son bain froid on lui fit subir un commencement de strangulation ; un procédé auquel Quéquienne n’eût pas songé, mais, qui lui parut excellent.

Elle avait les jambes tellement engourdies par le froid qu’on n’eut pas la moindre difficulté à la coucher sur le bob-sleigh que les hommes tirèrent à bras jusqu’à l’endroit où l’on pouvait, sans risque, mettre les deux autres chevaux sur la place. Quelques instants après, la jument, couchée sur une épaisse litière et emmaillotée dans des robes de carriole, ingurgitait contre son gré, une bouteille de whisky achetée en contrebande dans la paroisse prohibitionniste de Sainte-Catherine de-Hatley.

Quéquienne se rendit pédestrement à la prochaine station du chemin de fer Passumpsic pour y prendre un train de nuit qui le ramena à Sherbrooke où sa pré-