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PIERRE QUI ROULE

privé, le fin matois qui prétendait avoir pénétré le mystère de cette signature incomplète, se garda bien de détromper ses lecteurs.

« Dans tous les cas, c’est avec plaisir que je vois cet ancien confrère recevoir les honneurs de la reproduction posthume. Maintenant qu’il est mort, il ne saurait porter ombrage à qui que ce soit, et on l’aurait peut-être reproduit même si l’on eut reconnu sa signature.

« Ce qu’il tolérait encore plus difficilement que tout le reste, c’était de voir, en matières publiques, les intérêts franco-canadiens invariablement sacrifiés aux caprices des francophobes. Je crois qu’il a un peu fait école dans les Cantons de l’Est, et qu’il reste encore quelque chose de la réaction produite par ses écrits pendant son court séjour à Sherbrooke.

« J’espère que son patriotisme désintéressé lui a été compté là-haut, où le mérite réel n’est plus exposé à se heurter aux petitesses et aux ambitions de la médiocrité. Dans tous les cas, c’est lui qui m’a révélé sinon l’existence du moins le caractère chronique, presque incurable, de cette maladie qui mine la société franco-canadienne et qui s’appelle l’anglomanie.

« Grâce à son franc-parler, qui m’a donné l’éveil, j’ai eu la douleur de constater qu’au Canada la contagion partait d’en haut, et que le cultivateur franco-canadien des Cantons de l’Est, lorsqu’il s’empressait de courir au-devant des désirs de l’Anglais francophobe, non-seulement ne faisait qu’imiter la plupart des chefs franco-canadiens de cette région, mais suivait de plus le triste exemple donné par des hommes qui étaient chargés de nous défendre dans les législatures locale et fédérale.

« Si j’eusse prévu alors que j’écrirais ces souvenirs, j’aurais pu prendre note de nombreux faits, d’une importance apparemment secondaire, mais dont le récit