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Si nous avons pour nous le droit d’occupation première, nous avons aussi le droit des gens, et nous ne pouvions mieux faire, pour prouver cette thèse, que d’invoquer le témoignage des Anglais éclairés.


LA COUTUME


Au lendemain de la reddition de Montréal par Vaudreuil, la langue française fut maintenue dans le pays canadien, malgré l’immigration anglaise. Le traité de Paris ne s’en occupa aucunement parce que le droit des gens la sauvegardait. Murray faisait sa correspondance en français avec les Canadiens, et publiait même des proclamations bilingues[1]. Ses collègues de Montréal et des Trois-Rivières faisaient comme lui, et du Golfe à Pontchartrain, notre idiome conserva sa priorité jusqu’à ce que les Anglais eussent centralisé de nombreuses colonies dans le Haut-Canada. La Proclamation de 1764 ne détruisait en rien la coutume, qui fut plus forte que la volonté du roi George. Les Canadiens rédigeaient leurs requêtes en français, faisaient commerce en français malgré le fanatisme des marchands nouvellement arrivés des îles britanniques. Le groupe français d’Essex, les habitants français de Toronto continuèrent à parler leur langue même dans le négoce, comme des états de compte de l’époque en font foi. Dans Kent il y avait un groupe français important que l’on a sans doute oublié dans les tentatives d’assimilation à outrance après l’Acte Constitutionnel. La présence du député François Baby, siégeant avec William Macomb de 1792 à 1796 à l’Assemblée du Haut-Canada, pour le comté de Kent, prouve l’existence d’un centre français considérable dans

  1. Documents pour servir à l’histoire constitutionnelle du Canada, Shortt-Doughty, Archives du Canada, proclamations.