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soit peu débordante que trahissent soit les articles de l’Éclair et de Paris, soit certains chapitres de En 18… Leur gourme une fois ainsi jetée, les deux frères, qui avaient dit adieu au journalisme en annonçant comme prochaine la publication des Maîtresses de Louis XV, s’étaient attelés à une tâche bien autrement difficile et laborieuse : l’Histoire de la Société française sous la Révolution et le Directoire. À cette époque (1854), la Bibliothèque n’offrait pas les ressources incomparables qu’elle présente maintenant et les communications s’y obtenaient avec des lenteurs et des difficultés qu’on a peine à concevoir aujourd’hui, mais c’était aussi le temps où les boîtes des quais et les auvents des bouquinistes regorgeaient de curiosités dédaignées ; c’était le temps où le Rousseaulâtre Joseph Richard formait pièce à pièce, et pour ainsi dire, sou à sou, cette réunion unique, misérablement dispersée depuis, de brochures relatives à son grand homme, toutes portant sur le frontispice, avec l’initiale de son nom, la date de l’acquisition, date qui, — détail significatif, — était presque toujours celle d’un dimanche.

Richard avait un émule, appelé M. Perrot ou Peyrot, que les deux frères ont remercié, ainsi que M. Ménétrier, dans la préface, supprimée depuis, de la première édition de l’Histoire de la Société française sous la Révolution ; celui-là jetait son dévolu sur les pamphlets de la période révolutionnaire, et, pour satisfaire ses goûts, allait, paraît-il, jusqu’à porter de temps à autre sa montre d’argent au Mont-de-piété. C’est de chez M. Perrot, logé tout près d’eux, rue des Martyrs, qu’ils emportaient par brassées les imprimés dont ils avaient besoin. Cette collection, vendue peu après en bloc par son possesseur et passée depuis entre diverses mains, est aujourd’hui entièrement dispersée, et comme les exemplaires de M. Perrot ne portaient aucun signe extérieur, il serait absolument impossible d’en rétablir la provenance.