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— Qui est-ce ? demanda Bazarof, lorsqu’ils se furent un peu éloignés ; elle est fort gentille !

— De qui parles-tu ?

— La question est singulière ; il n’y en a qu’une qui soit jolie.

Arcade lui expliqua en peu de mots et non sans embarras la position de Fénitchka dans la maison.

— Bah ! reprit Bazarof, il paraît que ton père aime les bons morceaux. Sais-tu bien qu’il me plaît, ton père ? Vrai ! c’est un gaillard ! Mais il faut que nous fassions connaissance, ajouta-t-il ; et il se dirigea de nouveau vers le bosquet.

— Eugène, lui cria Arcade avec effroi ; sois prudent, je t’en supplie !

— Calme-toi, répondit Bazarof, j’ai roulé ma bosse, je connais le monde ; et s’étant approché de Fénitchka, il ôta sa casquette.

— Permettez-moi de me présenter moi-même, lui dit-il en la saluant poliment. Je suis un ami d’Arcade Nikolaïtch et un homme paisible.

Fénitchka se leva et le regarda sans lui répondre.

— Quel bel enfant ! continua Bazarof. Soyez sans inquiétude, je n’ai porté malheur à personne[1] ! Pourquoi ses joues sont-elles si rouges ? Fait-il ses dents ?

— Oui, dit Fénitchka, il en a déjà quatre, et ses gencives se gonflent de nouveau.

— Montrez-moi ça, et n’ayez pas peur, je suis médecin.

  1. C’est une superstition russe que les louanges portent malheur.