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lutions durables, n’a rien compris à leurs théories, et eux-mêmes n’ont jamais pris la peine de faire son éducation.

À mon avis, cette impartialité de M. Tourguenef est un des mérites de son livre. Il ne s’est pas constitué le juge de la société moderne ; il l’a peinte telle qu’il l’a vue. Sans parti pris, il note ses ridicules, ses travers, ses passions. Il constate que les travers changent, mais que les passions restent les mêmes. En dépit des efforts de tant de philosophes et de réformateurs, le cœur humain n’a pas été modifié depuis le temps où le premier poète, le premier romancier eurent l’heureuse idée d’en faire l’étude. Le socialiste de M. Tourguenef devient amoureux d’une grande dame que sa sauvagerie amuse, et son disciple élevé dans le mépris du mariage épouse une petite provinciale qui le mènera par le bout du nez et le rendra parfaitement heureux.

La traduction, que vous avez bien voulu me communiquer, me paraît fort exacte ; ce n’est pas à dire qu’elle donne une idée complète du style vif et coloré de M. Tourguenef. Traduire du russe en français n’est pas une tâche facile. Le russe est une langue faite pour la poésie, d’une richesse extraordinaire et remarquable surtout par la finesse de ses nuances. Lorsqu’une pa-